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Dans une petite chaumière, au milieu des bois, vivaient trois amis : un moineau, une souris et .. une crêpe au beurre !! Ils vivaient tous les trois très heureux ensemble, ils s'entraidaient de leur mieux : le moineau allait chercher les provisions, la souris coupait le bois et allumait le feu, et la crêpe au beurre faisait cuire la soupe. Mais quelle soupe !.. épaisse, beurrée, assaisonnée .. Un vrai régal ! Le moineau avait coutume de dire : - Une soupe pareille, même le roi des rats n'en mange pas tous les dimanches. Et nous, c'est comme ça tous les soirs. La crêpe au beurre ajoutait : - C'est parce que, avant de servir, je plonge dans la marmite, je m'y tourne et retourne, je clapote et barbote, et voilà la soupe bien beurrée et assaisonnée. La souris disait à son tour : - Et moi, je ronge le bois fin, fin, fin, pour qu'il brûle bien, et j'attise le feu du bout de ma queue et la soupe cuit encore mieux ! Et le moineau reprenait : - Il faut voir avec quoi elle est faite, cette soupe ! .. rien que des produits de premier choix. Un champignon par ci, une poignée d'orge par là, deux feuilles de chou, quatre pois-chiches, c'est ça qui fait la soupe riche ! Et tous les trois reprenaient en choeur : - Une soupe pareille, il n'y a rien de meilleur !! C'est donc ainsi qu'ils vivaient tous les trois, très heureux ensemble. Mais un jour ... le renard, qui passe par là, voit par la fenêtre la crêpe assise au coin du feu. Hmmm ! Une belle crêpe au beurre, toute ronde, toute dorée, croustilla-a-ante !.. Le renard aimerait bien la manger, mais la crêpe ne sort jamais de la maison et la porte reste toujours fermée. Alors le renard a une idée. Il s'en va trouver le moineau dans la forêt et lui dit : - Mon pauvre ami ! Mais tu te tues au travail ! Quand je pense que tes compagnons ne font rien de la journée, ça me fait vraiment de la peine. Le moineau répond alors que ses compagnons travaillent aussi, chacun à sa façon. Mais le renard secoue la tête avec pitié : - Tu appelles ça travailler ?.. Un fagot de bois à couper, la soupe à mettre au feu, et puis c'est tout ! Tandis que toi, tu cours les bois toute la journée pour rapporter les provisions. Je voudrais bien voir la crêpe en faire autant ! Tiens ! Pas de danger qu'elle accepte, la grosse paresseuse ! Et sur ces bonnes paroles, le renard s'en va. Le moineau reste là, à réfléchir. Il se dit : Mais il a raison, le renard ! C'est moi qui fait tout le travail. Ce n'est pas juste. On va y mettre bon ordre, et pas plus tard que tout de suite !! Le moineau rentre à la maison. Il se fâche, crie, tape du pied. Comme quoi il en a assez de faire seul le plus gros du travail .. Et que demain, c'est la crêpe qui ira chercher les provisions. La souris fera la soupe, et pour ce qui est du bois, lui, moineau, en fait son affaire. Bon, bon, c'est d'accord !.. Et le lendemain matin, la crêpe, le panier au bras, s'en va faire les provisions. Elle roule à travers bois, ramasse des coquilles de noix. Elle roule sur la mousse humide et ramasse une cosse de pois vide. En passant sous le chêne vert, elle trouve un champignon mangé aux vers et en traversant l'herbage, elle cueille un oignon sauvage, un peu pourri, mais ça ne fait rien .. Que voulez-vous, elle ne sait pas comment faire, la pauvre ! Elle n'a pas l'habitude. Et juste comme elle se dit qu'il est temps de rentrer à la maison, voilà le renard qui sort son museau pointu de dessous les branches. Et il attrape la crêpe par son bord doré et croustillant. Aïe ! Ouille ! La crêpe a crié .. Le renard a crié .. C'est qu'elle est chaude la crêpe, brûlante comme au sortir du four. Le temps que le renard lèche son museau échaudé, la crêpe est déjà loin. Elle roule vers sa maison aussi vite qu'elle le peut. Mais elle boite, la pauvre !.. Le coup de dents du renard lui a enlevé un bon morceau .. alors, pour rouler, ce n'est pas très pratique ! Et à la maison, pendant ce temps, que se passe-t-il ? Eh bien, les choses ne vont pas beaucoup mieux. Le moineau a voulu couper le bois fin, fin, fin pour qu'il brûle bien, et il a attaqué la bûche à grands coups de bec. Mais le bois, ce n'est pas une cosse de petit pois, ça ne se fend pas facilement. Alors le moineau s'est obstiné, la bûche n'a pas cédé, et c'est le bec du moineau qui s'est tordu. La souris de son côté a préparé la soupe. Elle a fait de son mieux, puis elle s'est dit : Comment qu'elle fait déjà, la crêpe ? "je plonge dans la mamite, je clapote et barbote, et voilà la soupe prête !" Bon, je vais en faire autant .. Alors, la souris a plongé dans la marmite .. Elle a été ébouillantée, elle a failli se noyer, et elle n'a jamais su comment elle s'en est tirée ! Elle a couru dehors, s'est assise sur le seuil de la porte et s'est mise à pleurer. Sa fourrure est ébouillantée et elle a le bout de la queue qui tremble. Là-dessus, la crêpe arrive, en se dépêchant, en boitant .. Elle voit ses deux amis assis sur le seuil de la porte. Le moineau a le bec tordu, la souris a sa fourrure mouillée et elle a le bout de la queue qui tremble .. Eh bien, nous voilà jolis, tous les trois !! Mais qu'est-ce qui nous a pris de vouloir changer de métier ? Ce qu'on sait bien faire, on le fait bien et tout le monde en profite. Mais ce qu'on ne sait pas faire, on le fait mal et après il faut tout refaire. Le moineau, de honte, s'est caché la tête sous l'aile. Et c'est encore les deux autres qui ont dû le consoler. Et après ? .. Et après, nos trois amis se sont remis à vivre comme avant : le moineau a cherché les provisions, la souris a coupé le bois et allumé le feu et la crêpe au beurre a cuit la soupe. Et tout le monde en a été satisfait. Sauf le renard, bien sûr ! Mais à celui-là on ne lui a pas demandé son avis. Et voilà ! mon histoire est finie ! d'après un des "365 contes de gourmandises" de Luda |